La taxe dite GAFA (la « Taxe GAFA ») fait référence aux géants du numérique échappant à l’impôt en France grâce à la dématérialisation des transactions. Elle a été mise en place par la loi n°2019-759 portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (la « Loi n°2019-759 »), créant notamment les articles 299 à 300 du CGI.
Ce texte s’inspire fortement de la proposition de directive de la Commission européenne concernant un système commun de taxe sur les services du numérique applicables aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.
Selon un rapport Taj/Deloitte , la Taxe GAFA concerne 27 entreprises, dont une seulement est une entreprise française .
I. L’échec européen
La Commission européenne avait dévoilé le 21 mars 2018 une proposition de directive établissant un système commun de taxe sur les services numériques (la « TSN ») applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques.
La TSN s’appliquerait sur le chiffre d’affaires généré par certaines activités numériques telles que la vente de données personnelles, la vente d’espaces publicitaires en ligne ciblant les utilisateurs, ou encore les services permettant les interactions entre les utilisateurs et facilitant la vente de biens et services entre eux.
La TSN visait logiquement les géants du numérique réalisant un chiffre d’affaires mondial annuel supérieur à 750 millions d’euros, dont 50 millions imposables dans l’Union européenne. Cela concernerait 120 à 150 entreprises . Le taux de la TSN est fixé dans la proposition à 3%.
Malheureusement, la politique fiscale européenne est soumise à une procédure législative spéciale, dite procédure d’approbation. Or, dans ce cas l’unanimité des ministres de l’Economie de chaque Etat membre est requise. Ainsi, chaque Etat membre dispose d’un droit de veto. Due à de fortes disparités en matière de fiscalité, les Etats membres peinent à se mettre d’accord.
La proposition reste donc, pour le moment, lettre-morte, l’Union s’en remettant à l’approche internationale.
II. La taxe à la française
Suite à l’échec d’un régime régional, la France a décidé de s’inspirer de la proposition de directive européenne pour construire une taxe nationale.
a) Champ d’application
La Taxe GAFA est due à raison des sommes encaissées par les entreprises du secteur du numérique en contrepartie de la fourniture en France, au cours d’une année civile, d’un certain nombre de services (art. 299, I, CGI).
On le comprend, la Taxe GAFA ne concerne pas toutes les entreprises du numérique, ni l’ensemble des services de ces entreprises.
Dans un premier temps, la Loi n°2019-759 ne tient pas compte du lieu d’établissement des entreprises. Cet élément est effectivement sans impact. La Loi n°2019-759 pose des seuils de chiffre d’affaire mondial et français. Ainsi, les entreprises concernées sont celles pour lesquelles le montant des sommes encaissées en contrepartie des services taxables excède 750 millions d’euros au titre des services fournis au niveau mondial et 25 millions d’euros au titre des services fournis en France (art. 299, III, CGI).
Dans un second temps, les services taxables sont les suivants (art. 299, II, CGI) :
– La mise à disposition, par voie de communication électronique, d’une interface numérique qui permet aux utilisateurs d’entrer en contact avec d’autres utilisateurs et d’interagir avec eux, notamment en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services directement entre ces utilisateurs ;
– Les services commercialisés auprès des annonceurs, ou de leurs mandataires, visant à placer sur une interface numérique des messages publicitaires en fonction de données relatives à l’utilisateur qui la consulte et collectées ou générées à l’occasion de la consultation de telles interfaces, y compris lorsqu’ils sont réalisés au moyen d’interfaces dont la mise à disposition est exclue des services taxables.
En somme, il est question d’une part, des plateformes numériques qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises et d’autre part, de la publicité en ligne, en particulier le ciblage publicitaire et la revente de données personnelles à des fins publicitaires. Les services doivent être fournis en France, sachant que la localisation repose sur l’utilisateur du service et non sur le lieu d’établissement de l’entreprise.
Au titre des services exclus, il convient d’abord de préciser que les services présentés ci-dessous ne sont pas taxables lorsqu’ils sont fournis entre entreprises appartenant à un même groupe. Ensuite, la loi liste les services exclus du dispositif, tels que la mise à disposition d’une interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques, des services de communications et certains services de paiements ou encore la mise à disposition d’une interface numérique ayant pour objet l’achat ou la vente de prestations visant à placer des messages publicitaires ciblés en fonction des données relatives à l’utilisateur (art. 299, II, 1), CGI).
b) Taux de la taxe
D’après l’article 299 quater, II, du CGI, le montant de la taxe est calculé en appliquant à la base d’imposition un taux de 3%. La base d’imposition correspond au montant, hors TVA, des sommes encaissées par le redevable, lors de l’année au cours de laquelle la taxe devient exigible, en contrepartie d’un service taxable fourni en France (art. 299 quater, I, CGI).
III. L’approche multilatérale
Des négociations sont en cours au sein de l’OCDE pour faire évoluer le système fiscal international vers une meilleure prise en compte de la numérisation de l’économie.
Parmi les quinze actions du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) conduit par l’OCDE sous le mandat du G20, l’Action 1 porte sur la révision des règles fiscales internationales dans le domaine du numérique. Elle s’est concrétisée par la remise d’un rapport en mai 2018 faisant un état des lieux des défis pour la fiscalité devant la numérisation de l’économie . À cette occasion des divergences majeures entre différents groupes d’États ont été relevées, rendant complexe l’émergence d’un consensus.
En janvier 2019, les États faisant parties du cadre inclusif se sont mis d’accord sur deux piliers de négociation, à savoir :
– un premier pilier relatif à l’attribution des droits d’imposition et qui cherche à entreprendre un examen cohérent et simultané de l’affectation du bénéfice et des règles de connexion ;
– un second pilier concernant les problématiques de BEPS qui subsistent à ce jour.
Les membres du cadre inclusif se sont mis d’accord sur un programme de travail afin de produire un rapport final en 2020 et d’aboutir ensuite à un accord politique. 1 Taxe sur les services numériques, Etude d’impact économique, 22 mars 2019, Taj/Deloitte (commandité par la Computer and Communications Industry Association).
2 https://www.francetvinfo.fr/
3 https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-taxe-gafa.html
4 OCDE (2018), Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie – Rapport intérimaire 2018, Cadre inclusif sur le BEPS, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris.